A ce soir

Publié le par lydiane

Encore un...un quoi ? Un livre qui parle de deuil. Oui, je sais, mes lectures sont loin d'être très gaies en ce moment, bon promis, le prochain dont je vous parlerai sera plus fun...ou pas !

 

Alors voilà, "A ce soir" de Laure ADLER m'a particluièrement touché, en effet...avant toute chose la 4eme de couverture :

 

"Au moment de prendre le bain, j’ai enlevé ma montre, une montre offerte par l’homme que j’aime et où l’artiste a inscrit sur le cadran en demi-cercle, A ce soir. J’ai constaté que le cadran était embué. On dit que la peur crée des secrétions toxiques. A ce soir était comme effacé. La date, elle, était bien visible. 13 juillet. 17 ans après la mort de Rémi. Le texte qui suit s’est imposé à moi juste après. Il a surgit de la nuit…"

 

Donc je disais...en effet, je m'attendais à lire un récit écrit par une femme qui avait perdu son mari. Mais ce n'était pas le cas, erreur sur la personne. C'est étrange de lire un texte en se disant qu'on aurait pu sois-même l'écrire, bon surement pas avec des phrases si joliement tournées, mais tout de même...

 

Un passage parmi tant d'autre :

 

"Je n’écris pas pour me souvenir. Je n’écris pas pour apaiser la douleur. Je sais depuis 17ans que la douleur est et demeurera ma compagne. Je vis avec elle. Je la tiens en laisse. Quelquefois, elle me bouscule et me fait tomber. Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ce poème que j’ai découvert comme tout le monde à l’adolescence, m’a habité, dès la 1ere lecture. J’avais eu l’impression de l’avoir compris biologiquement. Aujourd’hui, je sais que Baudelaire a raison. La douleur a bien quelque chose de vivant, de concret, de palpitant, de turbulent comme un grand chien fou qui, en s’amusant, peut vous enfoncer sans crier gare ses crocs jusqu’au sang.

 

J’écris pour tenter d’approcher avec des mots cette forme vide en moi, la circonscrire, comme un chasseur doit, pour savoir tuer, connaître son territoire. Mon fils est mort et je suis encore vivante. Vivante ? A jamais divisée entre le je et le elle, épuisée quelquefois de mettre mon énergie à donner l’apparence. Nouée, tendue. Pleine de cailloux a l’intérieur et de plaques à l’extérieur. Chaque nuit mes mâchoires travaillent à mon insu pour creuser mes dents. Non, je ne porterai pas d’appareil, pas plus que je ne prendrai de médicaments. Je ne suis pas une handicapée de la société, une adepte du Tranxène, une somnambule irresponsable. Je suis une mère vivante qui a perdu son enfant et qui est redevenu mère 2 fois, mère de 2 filles qui ont 1 petit frère. Non, maman, ne dis pas petit frère, il serait aujourd’hui bien plus grand que nous.

 

J’écris pour mettre a distance et tenter d’apprivoiser le temps. Vous verrez avec le tps…, m’avez dit une vieille dame, croisée à l’hôpital après les formalités. Elle croyait me consoler. Mensonges et infamie. Avec le tps, justement, rien ne s’efface, rien ne s’adoucit. Bien au contraire. Comme si le corps pouvait oublier la place du bébé à l’intérieur et les bras à l’extérieur qui lui formaient un nid. Le temps ne change rien. Et c’est mieux ainsi. A quoi bon faire croire aux mères qu’elles pourraient comme ça, comme des dames chats aux nombreuses portées, partir et déserter ?"

 

 

 

 

 

Publié dans Lu - entendu...

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M
<br /> effectivement pas très gai, mais très poétique et très joli.<br /> bisous<br /> <br /> <br />
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