Et tu n'es pas revenu

Publié le par lydiane

de Marceline LORIDAN-IVENS.

J'ai découvert Marceline LORIDAN-IVENS dans La Grande Librairie. Elle était venue en janvier 2018 y parler de son roman "L'amour d'après". Bien entendu, il m'a été impossible de ne pas être touchée par cette femme de 90ans qui explique sa vie d'après Auschwitz. Elle est morte quelques mois après cette emission. Avant "L'amour d'après", elle avait publié "Et tu n'es pas revenu".

Et tu n'es pas revenu

4ème de couverture :

"J’ai vécu puisque tu voulais que je vive. Mais vécu comme je l’ai appris là-bas, en prenant les jours les uns après les autres. Il y en eut de beaux tout de même. T’écrire m’a fait du bien. En te parlant, je ne me console pas. Je détends juste ce qui m’enserre le cœur. Je voudrais fuir l’histoire du monde, du siècle, revenir à la mienne, celle de Shloïme et sa chère petite fille."

A 15 ans, Marceline est arrêtée avec son père, Shloïme. Ils sont enfermés à Drancy avant d'être déportés, lui à Auschwitz, elle a 3 km de là Birkenau. Son père lui avait prédit "Toi, tu reviendras peut- être parce que tu es jeune, moi je ne reviendrai pas". Plus d'un an après, Marceline se retrouve seule à l'hôtel Lutetia, son père avait raison. 

Marceline rentre "chez elle" retrouve sa mère et ses frères et sœurs. On ne lui parle pas de déportation, c'est un sujet tabou, qu'il faut oublier au plus vite. On reprend sa vie, comme si rien ne s'était passé. C'est impossible pour Marceline. Alors elle écrit, elle écrit à son père. Elle lui raconte sa vie à Birkenau, son espoir jour après jour de le croiser, d'avoir de ses nouvelles. Et puis, elle lui raconte sa vie d'après, son retour et la découverte de son absence à lui.

Ce texte est court, mais si jute, si percutant.

"Aujourd'hui encore quand j'entends dire Papa, je sursaute, même soixante-quinze ans après, même prononcé par quelqu'un que je ne connais pas. Ce mot est sorti de ma vie si tôt, qu'il me fait mal, je ne peux le dire que dans mon for intérieur, surtout pas l'articuler. Surtout pas l'écrire."

"J'ai quatre-vingt-six ans et le double de ton âge quand tu es mort. Je suis une vieille dame aujourd'hui. Je n'ai pas peur de mourir, je ne panique pas. Je ne crois pas en Dieu, ni à quoi que ce soit après la mort. Je suis l'une des 160 qui vivent encore sur les 2 500 qui sont revenus. Nous étions 76 500 juifs de France partis pour Auschwitz-Birkenau. Six millions sont morts dans les camps. Je dîne une fois par mois avec des amis survivants, nous savons rire ensemble et même du camp à notre façon. Et je retrouve aussi Simone. Je l'ai vue prendre des petites cuillères dans les cafés et les restaurants, les glisser dans son sac, elle a été ministre, une femme importante en France, une grande figure, mais elle stocke encore les petites cuillères sans valeur pour ne pas avoir à laper la mauvaise soupe de Birkenau. S'ils savaient, tous autant qu'ils sont, la permanence du camp en nous. Nous l'avons tous dans la tête et ce jusqu'à la mort. "

Publié dans Lu - entendu...

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B
il y a déjà un moment que j'ai lu ce livre et j'avais adoré. Et pleuré aussi !
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1
C'est bien ce qu'il me semblait que tu l'avais lu!